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Applications de santé : un parcours semé d’embûches pour les patients chroniques



Alors que les technologies de santé numérique promettent de révolutionner le suivi médical, elles peinent à répondre aux besoins des patients atteints de plusieurs maladies chroniques. Fragmentées, mal coordonnées et trop nombreuses, les applications médicales génèrent une surcharge technologique chez ceux qui en ont le plus besoin, d’après une étude publiée dans la revue JAMA Network Open.

Un fardeau technologique pour les patients chroniques


Les outils numériques destinés à accompagner les patients chroniques se multiplient, mais ne tiennent que rarement compte de ceux qui souffrent de plusieurs pathologies en même temps. Une étude publiée dans JAMA Network Open par des chercheurs de l’Université Paris Cité et de l’AP-HP a mis en lumière ce décalage : pour un patient fictif de 79 ans atteint de cinq maladies chroniques — diabète de type 2, hypertension, ostéoporose, arthrose et BPCO — seuls 3,4 % des 148 solutions numériques analysées étaient capables de gérer plusieurs affections simultanément.


Pire encore, un suivi médical jugé "complet" impliquerait l’utilisation quotidienne de 13 applications et de 7 dispositifs connectés différents. Ce cumul est non seulement irréaliste, mais contre-productif : il crée une charge mentale importante pour les patients, souvent âgés, et augmente le risque de décrochage dans leur parcours de soin.


Les limites de l’approche actuelle


Cette fragmentation technologique ne pénalise pas uniquement les patients. Elle complique également la tâche des professionnels de santé, qui doivent composer avec des informations dispersées sur plusieurs plateformes. Résultat : la coordination des soins devient difficile, et la surveillance globale de l’état de santé du patient perd en efficacité.


En France, à peine un patient chronique sur deux suit correctement ses traitements. Selon une enquête relayée par Le Monde, ce manque d’observance favorise la survenue de complications, augmente les hospitalisations et alourdit les coûts pour l’Assurance Maladie. Les outils numériques, mal conçus pour les situations complexes, n’apportent pas encore la réponse attendue.


Vers une intégration des outils numériques


Pour relever ces défis, plusieurs experts recommandent de repenser les dispositifs de santé connectée autour du patient, plutôt que de chaque maladie. Il s’agit de passer d’une logique d’accumulation d’applications à une logique d’intégration, où une même plateforme centralise les données de santé, les traitements, les rendez-vous médicaux et les interactions entre soignants.


Des plateformes pivots se déploient pourtant, dans l'offre privée comme publique avec, par exemple, Mon Espace Santé. Ces "passerelles" visent à centraliser les informations utiles pour le patient et les professionnels en charge de leurs parcours. Mais des étapes restent encore à franchir pour permettre une vraie interopérabilité avec les objets connectés et les applications tierces, et répondre pleinement aux besoins des professionnels en charge des patients multi pathologiques. 


L’importance de l’éducation thérapeutique


Un autre levier d’amélioration réside dans l’éducation thérapeutique du patient (ETP). Comprendre sa ou ses maladies, apprendre à suivre correctement ses traitements, identifier les interactions potentielles entre différentes pathologies : autant de compétences clés qui peuvent être soutenues par des modules éducatifs intégrés aux applications de santé.


L’enjeu est de faire de ces outils numériques non seulement des instruments de suivi passif, mais aussi de véritables compagnons d’autonomie. Une application qui informe, motive, et rassure, est plus susceptible d’être utilisée durablement — surtout par des personnes confrontées à une complexité médicale quotidienne.


En somme, les promesses de la santé numérique sont nombreuses, mais leur concrétisation passe par un changement de paradigme. Face à la hausse des maladies chroniques et à la complexité des parcours de soin, il devient urgent de concevoir des outils intégrés, adaptés aux réalités de la multimorbidité, et enrichis par une véritable approche éducative. Sans cela, les applications risquent de rester des gadgets technologiques inutilisables pour ceux qui en ont le plus besoin.


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